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Emotion matinale




 


Bonjour,

Aujourd’hui je vous écris dans un état assez particulier : je me suis levé et j’ai bien senti cet état intérieur de tristesse.

Est-ce la fin de l’été qui amène cela ? Mes relations compliquées avec tel ou tel proche ? La maladie et la mort récente de mon père ? Il y aurait tant de raisons à cela… et pourtant, je sens qu’aucune n’est bonne.

Il y a aussi parfois ce doute récurrent qui me demande « est-ce que ce que tu fais a du sens ? »

J’écris des kilomètres de textes, et je vous en envoie certains. J’imaginais un temps pouvoir assurer une part de mes besoins financiers par les dons reçus, mais cela n’est pas le cas. Je pense parfois arrêter d’écrire et rester dans le silence… mais les mots jaillissent. Ils s’offrent et me poussent à écrire. Alors je reste avec ces doutes, ce faux postulat que ce que nous faisons devrait mériter un retour financier ou autre. Je continue, sans savoir pourquoi. Cela jaillit, et parfois le doute vient lui aussi. Il y a peut être de ce doute dans la tristesse du jour…

Il me faut parfois quelques heures, parfois quelques minutes seulement, avant que la variation apparaisse. De la tristesse dans laquelle j’ai plongé, une question émerge : "qu’est-ce qui se passe là ?"

Et alors à ce moment précis, un autre mouvement se met en place. Dans les moments difficiles, je me relie aux personnes que je connais comme étant libérées (dans le sens spirituel du terme, dans une forme de paix et de joie permanentes, emplies de foi). J’essaie de me souvenir de leurs conseils, de leur énergie, de leurs enseignements.

Un des enseignements que me rappelle cette tristesse est que les histoires et les émotions n’ont rien à voir. Quelles que soient les histoires que je me raconte pour essayer de comprendre cette tristesse, pour la justifier, aucune histoire n’est vraiment la bonne, car aucune de ces histoires n’est la véritable cause de la tristesse que je ressens.

La seule chose qui me reste à faire, c’est d’observer qu’il y a ces histoires et qu’il y a la tristesse. Aux histoires, je leur parle : « Je vous remercie de venir vous manifester. Je vous vois. Merci d’être venu, vous pouvez continuer votre route. J’ai à accueillir cette tristesse qui veut se déployer ».

Effectivement, les pensées et histoires continuent leur chemin. Elles sont apparues dans mes perceptions, et chacune à leur tour disparaissent comme s’en allant au loin.

Pendant leur départ, je me tourne vers la tristesse : « oui, je t’ai bien vue toi aussi. Merci d’être là. C’est pas super drôle et je ne me sens surtout pas super fun aujourd’hui. Là. Maintenant. C’est peut être le bon moment pour t’accueillir… » et je la laisse se déployer. Dans tout mon corps. Dans l’espace intérieur comme dans l’espace qui m’entoure. Je l’invite à se déployer. Sans rétention. Sans résistance. Non pas en cherchant à l’exprimer ou à l’extérioriser, mais en regardant son déploiement énergétique. Son empreinte dans l’espace intérieur, dans mes cellules, sur ma peau… et dans l’espace autour de moi. Et elle, cette tristesse en particulier, celle du jour, se déploie avec lenteur. Comme un parfum d’encens qui commence en petite fumée, puis devient volutes et finalement emplit l’espace environnant.

Elle se déploie avec lenteur et confiance. Elle sait que je ne vais pas tenter de l’arrêter. Ni résister. Ni fuir. Je l’accueille. Pleinement. Je reste ouvert à son déploiement, occultant momentanément tout ce qui existe autour de moi : le soleil à l’extérieur, la rivière et son chant matinal, les êtres qui agissent dans la maison… il n’y a qu’elle. Elle et moi. Elle qui se déploie et moi qui l’observe paisiblement.

Elle se déploie tant qu’au bout d’un moment je ne la sens plus. Telle la fumée de l’encens, elle s’évapore. Je ne la vois plus, je ne la sens plus…

Mon petit garçon jusqu’alors tranquille, semblant percevoir ce qui se passait, attendait patiemment. Il commence à bouger, à me solliciter pour jouer, pour sortir dehors. Le soleil qui essayait de passer à travers les fenêtres arrive enfin à m’offrir de sa clarté. Je l’accueille paisiblement.

La rivière chante au loin. Elle semble chanter pour moi : « oui, je chante pour toi, et pour tous les êtres » me répond-elle.

Une douceur ambiante me maintient dans cet état paisible. J’accueille le jour nouveau. Au loin, dans le ciel bleu, un nuage s’étire en s’éloignant. Il porte peut être la trace visible de ces pensées, ces histoires et cette tristesse, qui s’en sont allées. Vers le ciel bleu. Sans nuages et lumineux.

Dans mon petit jardin, une fleur de tournesol s’est ouverte aujourd’hui.

Depuis cet espace de terre où j’observe cela, la journée commence. Je suis là. Présent.

Et comme un élan irrésistible, à nouveau cette force qui me pousse à vous écrire. A témoigner que le soleil brille pour chacun, et que la rivière chante, pour tous les êtres…

Stéphane

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