(chant en fin de texte)
Alors que ma femme était enceinte, son gros ventre ne passait pas inaperçu. Nous avons rencontré de nombreuses personnes qui nous ont dit : « profitez de ces instants où vous êtes seuls en amoureux, ça ne va pas durer », « profitez bien de ces sommeils à volonté, avec la naissance du bébé ça ne va pas durer », « profitez bien de l’allaitement, ça ne va pas durer » … Oui, nous avons reçu comme conseil principal de profiter.
Quand mon père était sur ses derniers jours sur cette Terre, il a laissé tomber toutes ses sollicitations habituelles. Le téléphone, internet… il n’avait plus la force de se distraire et accueillait chaque visite avec ce qu’il lui restait de force vive et de capacité d’attention. La dernière rencontre que j’ai eu avec lui, alors qu’il avait octroyé pas mal de temps avec d’autres visiteurs de ses amis et de ma famille, fut un bref regard et cette phrase que j’entends parfois à nouveau « nous nous retrouverons dans l’amour ». Ce fut très bref. Mais quelle intensité ! Ce n’est pas parce que ce fut notre dernier échange que je m’en rappelle. C’est l’intensité que nous y avons mis. La disponibilité. Pleine. Entière. Totale. À ce fragment d’existence.
Effectivement, rien ne dure. Cette existence est si éphémère, tout au plus un battement de paupière à l’échelle de l’univers.
En fait, les Anciens nous mentionnent qu’effectivement rien ne dure. C’est un fait. Rien n’est durable, tout est éphémère : les cellules du corps sont éphémères, même ce corps est éphémère. Nos pensées sont éphémères, notre compte en banque également. Les relations sont éphémères. Tout est éphémère, impermanent.
Je me suis demandé comment profiter de chaque instant. Profiter. Tirer profit. Extraire de chaque instant une richesse.
Ce qui compte, ce n’est pas ce que nous aurons accumulé.
Certains, pour tirer profit d’un temps éphémère, essaient de combler tout ce qui est possible d’actions. Jouer de la musique, multiplier les relations, regarder tous les films possibles, faire le plus de voyages possibles, accumuler le plus d’argent possible… et finalement, cette posture entraine une course à l’accumulation d’actions qui s’enchainent, sans laisser d’espace vide. J’ai remarqué que bon nombre de personnes dans cette situation ne se sentaient pas réellement comblées. C’est aussi ce que j’ai expérimenté.
Pour profiter de la richesse de l’instant, cela nécessite un temps d’accueil. Un silence. Le même silence qui suit une musique merveilleuse.
Profiter d’un instant avec quelqu’un nécessite souvent un temps d’écoute. Si c’est possible, pendant la rencontre, sinon après la rencontre. Un moment de vide nécessaire, pour apprécier.
Il en va de même avec un travail. Si nous prenons le temps d’apprécier chaque tâche, chaque réalisation, nous donnons du sens à ce que nous faisons. Car nous en savourons le fruit.
Chaque situation est comme une étoile filante dans le ciel : il y a le passage de l’étoile qui traverse la voute céleste. Pas besoin d’une pluie d’étoile pour s’émerveiller. Une seule étoile suffit. Vous la guettez dans l’immensité du ciel. Vous savez que cela va être éphémère, alors vous guettez avec attention. Et lorsqu’elle traverse un fragment de ciel, c’est très rapide. Il y a derrière l’étoile un sillage. Une poussière lumineuse, ainsi qu’un son assez sourd et lointain que le silence de la nuit permet de percevoir. Puis le plus savoureux est le temps qui suit ce passage stellaire. Ce temps où nous écoutons son passage intérieurement, alors que le ciel s’est de nouveau figé, et ce temps où nous faisons des vœux.
C’est identique avec l’arc en ciel. Il est éphémère. Changeant. Léger ou dense, simple ou double, il change le temps d’une ondée que la lumière céleste vient éclairer afin que nos yeux puissent gouter à la beauté qui se révèle dans l’instant. Gouter un arc en ciel ne se fait pas en savourant les gouttes d’eau. Cela ne peut se gouter de l’extérieur. C’est une posture intérieure. C’est gouter l’instant en se laissant toucher. Se laissant emplir de cette nourriture éphémère qu’est la magie de l’instant. Intérieurement.
Nous savourons en ouvrant un espace intérieur. En laissant de côté les sollicitations habituelles. Nous laissons l’habituel de côté. Les conditionnements ne résistent pas à celui ou celle qui sait accueillir l’instant dans ce qu’il a de merveilleux. De précieux. C’est la richesse de l’instant. Ce que nous sommes capables d’accueillir. De savourer. Notre capacité à laisser une trace intérieure de chaque instant car nous sommes capables de sentir la lumière dans un arc en ciel, dans une étoile, dans une rencontre. Aucune distraction n’est assez forte pour celle ou celui qui écoute attentivement. C’est un art que d’apprendre à savourer. Apprendre la richesse de l’instant.
Chaque instant est filant comme une étoile. Chaque situation est unique comme un arc en ciel.
Une étoile filante est une lumière traversant la nuit.
Un arc en ciel est une lumière traversant l’eau claire de la pluie.
Nous sommes cette lumière qui traverse l’éphémère.
Quelle intensité pouvons-nous offrir pour rendre chaque instant empli de cette intense vibration ?
Comment pouvons-nous devenir cette lumière dorée qui brille en ce monde ?
Nous sommes des êtres de Lumière.
Nous reconnaissons la Lumière.
Nous sommes aptes à la reconnaitre dans tout ce qui se manifeste.
Lorsqu’elle ne brille pas, il ne sert à rien de s’attarder.
Lorsqu’elle ne brille pas à l’extérieur, nous pouvons changer de posture.
Lorsqu’elle ne brille pas à l’intérieur, nous pouvons changer de posture.
Nous sommes des êtres de Lumière.
Capables de voir la lumière dans une étoile filante, dans un arc en ciel, et dans toutes les couleurs de la vie. Lorsqu’elle se manifeste pleinement.
Nous sommes cette lumière qui reconnait la Lumière.
Nous sommes cette lumière qui accueille la Lumière.
Nous sommes cette lumière qui diffuse la Lumière. `
Tout le reste n’est que apprentissage pour atteindre cela.
Dans l’espace ouvert de la Présence, des paroles émergent :
Tu es Lumière.
Lumière divine.
Ta nature profonde est lumière.
Tu es Lumière.
Sois.
Sois ma Lumière en ce monde.
Sois la Lumière qui rassemble toutes les Lumières que tu connais.
Sois la Lumière qui rassemble toutes les Lumières que tu ne connais pas.
Sois la Lumière de tous les êtres, condensée en ce point que tu appelles « toi ».
Sois l’espace qui accueille la Lumière.
Sois l’espace qui diffuse la Lumière.
À chaque instant, cela est donné.
Une opportunité.
Goûte le miel doré de l’Invisible.
Goûte le miel doré de chaque instant.
Tu es Lumière.
Lumière de l’instant.
Dans la Lumière de l’instant,
Nous nous retrouvons.
La Lumière est l’espace où tu te retrouves toi-même.
La Lumière est l’espace où tu retrouves tous les êtres.
La Lumière est l’espace de pur amour.
La lumière pure de l’amour.
Et dans l’amour, nous nous retrouvons.
Je te donne tous les miels, tous les trésors d’or et de lumière,
Je te donne toutes les ruches de l’Invisible,
Tu en es le gardien patient, fidèle et persévérant,
Tu en es le dépositaire à chaque instant.
Je te donne cela.
Prends en soin.
Précieusement.
Délicatement.
Je te confie la Vie, à chaque instant.
Prends en soin.
Précieusement.
Délicatement.
Tu en es un gardien.
Gardes la Vie, gardes la bien.
Écoute-la.
Écoute la bien.
Nourris-la.
Nourris la bien.
Je te confie ce qui est le plus précieux.
Reçois et donne ce trésor précieux.
Tu en es le gardien généreux.
Reçois et donne. Savoure-le.
Tu en es le Passeur.
Un Passeur précieux.
Tu es Passeur.
Passeur de Lumière.
Au loin, une musique douce s’élève et un chant émerge par quelque passeur empli de louanges, la bouche emplie de lumière qui jaillit en mots vibrants
« Mère Divine que mûrisse le fruit de notre labeur
S’éveillent enfin nos âmes rassasiées de bonheur
Telles des perles s’emmêlant dans l’éther
Éternellement émerveillées de Ta splendeur… »
(chant de Gamelo)
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