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  • Photo du rédacteurStéphane Boistard

La magie dans l'ordinaire



Un ami m’écrivait dernièrement un courriel dont je transcris ici un extrait. Cela a inspiré cette lettre.

« Comme tu le sais, je ne ressens rien sur le plan énergétique … ces dernières semaines ont été riches en rencontres qui me poussaient à aller encore plus loin et parvenir à débloquer la situation.

J’avais pris, pour cela ,rendez-vous avec un hypnotiseur afin qu’il débloque une partie de mes souvenirs d’enfance, pouvant, peut-être, expliquer mes blocages actuels. Et là je me suis pris deux gigantesques claques dans la gueule …

Je te passe les détails, mais je te ferai simplement part de ses deux dernières phrases : « ce n’est pas parce qu’on possède des capacités qu’on sera amené à les exploiter » et « il faudrait peut-être penser à arrêter de courir après des chimères » …

Donc, j’en conclus que le Subtil n’est pas pour moi, en tout cas, pas dans cette Vie ci. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi l’Univers me fait vivre tout cela, mais je sais qu’il est inutile de chercher à tout comprendre. Je le vis donc …

Si le subtil n’est pas pour moi, il me semble donc inutile de me lancer dans des démarches énergétiques, élixirs, monde invisible … qui me faisait pourtant bien rêver, j’avais presque trouvé ma place dans cette Vie. »

La réponse est arrivée comme l’automne de cette année.

En douceur.

Progressivement.

J’étais devant un marronnier. Dans un village d’Ariège. Un marronnier qui se parait de ses habits d’automne. Des habits de couleur. Il n’y que l’hiver qui peut se permettre d’ôter ses habits à un arbre. Feuille après feuille. Il y a une forme de sensualité dans cet abandon de l’arbre qui entre dans l’hiver. Du feuillu qui s’offre. Qui s’ouvre pleinement à cette étape hivernale incontournable. Voire nécessaire. Pour une transformation. Pour une renaissance ; Mais d’abord lâcher. Feuille après feuille.

Posé en bordure d’une petite place de village, ce marronnier invitait à s’assoir sur le banc face à lui.

Je suis passé de nombreuses fois devant ce marronnier. Je me suis assis de nombreuses fois sur ce banc, face à lui. Mais jamais comme cette fois-là. Cette dernière visite que je fis récemment. En cet automne avancé.

A ce moment précis, face à lui, j’ai appris une nouvelle leçon. Il m’a montré l’automne. Son automne du moment présent.

L’air était frais. J’ai d’abord observé les nombreuses feuilles jaunes et brunes sur le sol. En observant plus attentivement, je remarquais au niveau de ses branches que les branches exposées au nord étaient défeuillées alors que celles exposées au sud portaient encore de nombreuses feuilles.

En regardant plus attentivement, j’observai que parmi les feuilles restant sur l’arbre, certaines étaient toutes jaunes et d’autres gardaient encore des marques vertes, des ilots verts en bordure de la nervure centrale. Des tâches vertes qui persistaient alors que le reste de la feuille changeait de couleur.

Des pensées traversèrent mon esprit. Comme par exemple la question : « où va le vert de la feuille ? Est-ce que ce vert disparait dans le rameau ? Est-ce que ce vert rentre dans le bourgeon au pied du limbe de la feuille, conservé tout l’hiver, pour rejaillir au printemps ? »

Alors que j’observais attentivement certaines feuilles, un autre courant de pensées est arrivé.

J’ai constaté que les feuilles à la lumière, malgré la saison avancée, captaient le plus longtemps possible cette lumière. Jusqu’au bout. Jusqu’au bout du bout.

Alors que je regardais, je sentais les feuilles accueillir cette lumière. Je le sentais intérieurement.

Thoreau invitait chacun à « sucer la moelle de la vie » ; Aller chercher la vie et la lumière même dans un fragment. Dans un détail. Un détail qui s’attarde à l’observation. Et de là, savourer. Accueillir le petit comme une grande splendeur. Qui requiert toute notre attention.

Suspendre le temps. L’étirer dans l’expérience intime. Plonger sans limite dans l’expérience du moment présent.

J’ai respiré avec cet arbre. Nous respirions l’un à côté de l’autre. Et la vie nous a traversé. Cela était merveilleux…

Le sensible n’est pas dans l’extérieur. Il n’est pas dans l’élixir ou dans la présence d’un être féerique. Il n’est pas dans l’extraordinaire. Il n’est pas dans la manifestation extérieure. Il est dans l’état intérieur. Il réside là et nous attend patiemment. Au-delà de nos rêves et de nos chimères.

L’expérience est là. Elle nous attend. Sans chercher à imaginer un merveilleux. Sans chercher un ressenti. Juste un « senti » ; revenir au corps. Ou à la respiration. Rien de merveilleux à cela. Comme dans la méditation. Rien d’extraordinaire n’est censé arriver.

Non seulement il est inutile de « chercher à tout comprendre », mais il est inutile même de chercher. Il s’agit juste d’accueillir. Si quelque chose doit être cherché, c’est le détail dans l’observation : un apaisement, un relâchement, une tension, une douleur, une fraicheur ou une chaleur au niveau du nez qui respire, etc. Une observation depuis l’intérieur ; Un regard sans yeux. Un regard qui observe sans yeux. Une observation qui est perçue. Un accueil de ce qui est.

Chercher, c’est observer. Pas chercher quelque chose. Pas chercher un état particulier. Il n’y a rien à atteindre. Pas de cible. Pas d’objectif.

Juste être là.

Dans un environnement propice. Calme.

Le sensible, c’est la forme du grain de riz dans la bouchée que je viens de prendre. Jouer avec la langue et le palais à découvrir la forme du grain de riz. Puis son goût en le mastiquant.

Le sensible, c’est se préparer à accueillir les moments offerts. Un sourire. Une caresse. Apprendre à savourer.

C’est un exercice de chaque instant. Une préparation. Un entrainement de haut niveau. Plus nous le pratiquons, sans faillir, sans faiblir, plus le monde change. Intérieurement. Et étrangement, extérieurement il y a aussi un changement qui se crée.

Si vous êtes avec un arbre, le sensible ne vient pas par la présence des fées. Cela reste très rare et si c’est donné, ce n’est pas plus extraordinaire que d’être paisible face à un tronc. Accueillir la fée ou l’état paisible, il n’y a pas de « valeur » à privilégier. Dans la forêt, ressentir la fatigue ou le calme est un signe de grande sensibilité. C’est l’espace paisible à l’intérieur de nous qui se fait écho de l’espace paisible de l’arbre. Deux espaces qui se rencontrent. Deux espaces ouverts. Lorsque un espace s’ouvrent, un univers se crée.

Cela est l’expérience de la vie. Laisser l’espace s’ouvrir et l’univers apparaitre.

Le fait de n’avoir ni perception particulière, ni ressenti, simple ou extraordinaire, est une invitation à se poser. Observer. Accueillir. Car il y a un premier pas à faire : je constate qu’il n’y a rien d’extraordinaire dans ma vie.

Ce premier pas est un pas sur le chemin. Le chemin de la sensibilité.

Apprendre à accueillir le « rien ». Sans le fuir. Sans chercher à le combler de jolis mots ou de belles images. Sans avoir peur. S’attarder là. Poser la lumière sur ce rien.

Nous sommes nombreux en chemin. En apprentissage. Et nous nous soutenons les uns, les autres. Humains, animaux, plantes, etc. Alors je retourne vers la nature. Vers la rivière. Vers le ciel étoilé. Vers le vent dans les branches hautes des résineux. Vers la petite fleur qui éclot à mes pieds. Je retourne là où l’univers est particulièrement ouvert. Et je laisse en moi ce mouvement naturel se faire. Ouvrir. Ouvrir l’espace de mes pensées. Ouvrir l’espace de mon corps. Ouvrir l’espace de mon cœur. Je deviens un astronaute qui observe l’univers s’ouvrir. Sans qu’aucune caméra ne puisse le filmer. Aucune image, ni aucun film ne peut sortir de là. Car cet espace est trop précieux pour se dévoiler grossièrement au sens commun. Cet espace est au-delà de nos sens, de nos rêves et de nos chimères. Il réside dans la simple présence. Là, dans la présence simple, l’ange nous attends patiemment.



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