Penser comme un arbre
- Stéphane Boistard
- 26 août 2019
- 4 min de lecture

Lorsque je regarde un arbre, je me sens bien petit. Bien démuni.
Je vois son tronc élancé et vigoureux. Je vois ses branches et multiples ramures qui s’ouvrent au ciel. Je vois ses innombrables feuilles et fleurs, qui parsèment ces branches. Je sens ses racines puissantes enracinées dans le sol.
Je me sens si petit. Si insignifiant.
C’est peut être de là que naît la communication. De cette insignifiance. Je la reconnais. Il ne s’agit pas d’une dévalorisation, mais plutôt une simple observation.
Je regarde cet arbre, tout comme je regarde le monde, avec des yeux si limités ! Notre corps est assez complexe. A un niveau primaire, il y a ce corps et ses nombreuses connexions. Un ensemble parfait d’organes, de viscères, de vaisseaux, de muscles, d’os… et tout cela est connecté au cerveau. Dans le cerveau, si nous excluons les fonctions de traitement des sens, c’est-à-dire les parties qui gèrent la vue, l’odorat, et nos autres sens, il reste peu de place. Dans le sud de la France, le langage populaire associe la partie pensante à un pois chiche. Et cela se rapproche surement de la réalité. La partie qui pense est très réduite. C’est-à-dire que ce grand corps que vous avez possède une toute petite partie qui prend conscience de son volume, et surtout interprète et envoie des pensées… à lui-même : « tiens, j’ai pris un peu de poids », « oh, il est temps que je coupe ces cheveux qui dépassent », « j’espère que ce pantalon va bien m’aller »… Un pois chiche. C’est lui qui gouverne. C’est lui qui nous fait imaginer que nous sommes un être entier, de la tête aux pieds. Mais à priori, la pensée vient de là haut, ce petit espace dans le cerveau.
Son premier challenge est de ne pas abîmer le véhicule, le corps. Il nous fait prendre conscience de la spatialité.
Mais son occupation principale est de se rendre important. Et pour se rendre important, il s’occupe à créer et organiser toutes sortes d’histoires. Il les invente, et il arrive même à communiquer son histoire à un autre pois chiche de passage, dans un véhicule-corps comme lui.
Et le cumul des pois chiches génère tout un ensemble d’histoires qui créent le monde et son réseau d’histoires. Or ce que nous voyons circuler en terme d’informations sont bien souvent des histoires de « pois chiches ». C’est même lui qui a inventé la notion de temps.
Face à l’arbre, le pois chiche peut continuer à parler, mais bientôt il n’a plus rien à dire. Car l’arbre ne réagit pas. Le pois chiche ne peut que se raconter des histoires à lui seul. L’arbre ne fait pas écho. Il reste silencieux. Car le pois chiche ne peut percevoir le langage de l’arbre. Au mieux, il va interpréter un mouvement de feuille, mais cela ne va pas aller beaucoup plus loin.
L’arbre invite à aller au-delà. A penser avec d’autres organes. A communiquer avec d’autres voies. D’autres moyens.
Nos organes des sens se heurtent à son silence, à son immobilité, à sa lenteur, à sa rigidité, à sa dureté… Il n’y a pas de bouche, pas de bras, pas d’œil… L’arbre est face à nous comme un espace ou un être avec qui il semble compliqué de communiquer. Alors au bout d’un moment, le pois chiche abandonne (certains plus acharnés inventent des subterfuges pour essayer de faire parler l’arbre, le ramener à un état de pois chiche).
L’arbre nous invite à dépasser le connu. A nous élever. Non pas penser autrement, mais penser depuis ailleurs. Laisser la petite partie du cerveau s’occuper de ses affaires courantes et activer nos autres organes de perception. Bien sûr, le pois chiche garde son rôle, mais de façon secondaire. Il est là pour nous aider à mettre en mots, en images intelligibles. Sans donner son avis. Sans juger ou évaluer. Car il est en mode sans histoire.
Nous apprenons alors à penser au-delà du cerveau. A percevoir au-delà de nos sens.
Nous percevons des informations par notre « senti ». Nous nous connectons comme l’arbre à cette intelligence vivante et ambiante. Pas une intelligence liée à mon corps ou au sien. Pas une intelligence liée à une histoire. Une intelligence qui est aussi une présence. L’arbre pense et communique dans la présence. Il nous suffit de nous connecter.
Pour se connecter, c’est assez simple.

Les antennes
Nos portes de la communication sont ces organes peu sollicités habituellement : le cœur paisible, la respiration calme, le choix volontaire de s’ouvrir à ce qui est, d’accepter ce qui émerge…
Les portes sont là, et nous sommes invités à les réactiver. A les mettre au premier plan.

La trame
Ondes et cercles de trames
La démarche suivante est d’orienter ces antennes vers l’espace de communication. Nous ouvrir à la présence de l’arbre. Il s’agit simplement de poser l’attention de façon légère (aussi légère qu’un papillon) sur l’arbre. Cela nous connecte à une trame. Il y a la trame de l’arbre, la trame de la clairière, la trame de la forêt… différents cercles de trames.
Niveaux de trames
Il y a aussi différents niveaux de trames. Des trames plus proches de la matière, et des trames plus éthérées et luminescentes.
Dans ces trames, nos perceptions ouvertes captent parfois des formes que nous donnons à ces voix, à ces informations qui nous arrivent : anges, fées, animaux féeriques, elfes… Ce sont des formes énergie. En fait, ces énergies prennent forme pour nous. Pour être mieux captées. Et elles nous aident à garder l’attention dans le cercle de trame où nous sommes connectés. Pour éviter les zappings intempestifs.
Penser comme un arbre n’est pas une invitation à interpréter le langage de l’arbre. A lui donner du sens. C’est une invitation à nous entraîner à la connexion à l’intelligence qui dépasse l’individu. L’intelligence qui est au-delà de ce « moi » qui veut exister alors qu’il est si petit et insignifiant. C’est une invitation à revenir à cette connexion qui nous ramène à ce que nous sommes : des êtres connectés. Au vivant. Avec tout ce qui est. Depuis le grain de sable à la plus lointaine des étoiles.
Abandonner nos histoires et nos concepts pour se fondre dans cet espace qui est réellement la vie. Au-delà de la forme. Au-delà de toute possession possible. Au-delà de toute histoire ou temporalité. La vie. A son état pur.
La vie a une intelligence que nos sens ne peuvent percevoir. Les arbres sont aussi là pour nous y conduire.
photo hippocampe: Image parAlexas_Fotos de Pixabay
photo trame: Image parGerd Altmann de Pixabay
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